Nous remercions Christophe Hercy, Brice Pozzoli, Stéphane Delanoue ainsi que le magazine Cheval Pratique pour leurs retours (très positifs) sur deux de nos selles phares : la Derby S et la Rafale Contact. Nous vous souhaitons une excellente lecture ! 

MACEL : ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ

Depuis 1968 ce nom fait partie du paysage de la sellerie française haut de gamme. Pour ses 50 ans, Macel propose la Rafale Contact que nous avons testée en avant-première.
L’occasion d’essayer aussi un modèle historique de la marque : la Derby.
Texte : Christophe Hercy. Photos : Thierry Ségard. 

 

À travers l’essai de deux modèles, la rédaction vous résume un demi-siècle de l’histoire d’un savoir-faire d’une maison que d’aucuns ont tendance à avoir oubliée, voire cataloguée dans les « vieilles » enseignes, sous-entendues un peu poussiéreuses. Il s’avère justement que Macel (cf. C.P. n°340) c’est, et ce fut tout l’inverse, comme nous le rappelle Stéphane Delanoue de Selle Expert « Lorsqu’il est arrivé sur le marché, Macel a voulu rompre avec la tradition, dont les garants à la fin de ces années soixante étaient les Potier, Motard, Hermès, avec des selles ayant de la surépaisseur, de la fermeté, que l’on devait « casser » (faire, ndlr), or Macel pas du tout, lui propose alors des modèles très « close contact », avec des panneaux en mousse injectée, des sièges en veau, tandis que les autres utilisent encore le porc, avec beaucoup plus de plat de siège, pour une équitation dans le sens de la marche. Si Butet s’est installé et fait sa selle, c’est aussi parce qu’il a travaillé chez Macel et s’est imprégné de cette philosophie, idem pour Luc Childéric. »

En 2018, cette philosophie n’a pas pris une ride. Pour bon nombre d’entre vous, Macel est difficile à situer sur le marché. Il faut dire à ce propos que même à son apogée, laquelle nous replace à la fin des années 80, Macel avait une production relativement limitée. Chaque année sortaient en effet de son atelier, situé alors à Deauville (14), environ 500 selles. C’est très peu certes, mais l’étroit segment du haut de gamme, auquel le nom de Macel a toujours été associé, est incompatible avec des volumes industriels. Qui dit haut de gamme induit forcément 100% fait main, par des personnes hautement qualifiées composant un effectif restreint, avec un volume de production à l’avenant. Est-il l’un des rares à tout fabriquer en France ? Loin de là, comme en témoigne le dirigeant de Selle Expert. « Presque tous les selliers français fabriquent leurs selles haut de gamme chez eux sans recours à la sous-traitance. Il n’y a que les modèles « prêt à monter » jusqu’à 2000 € qui ne sont pas faits en France, (ou y sont seulement assemblés, ndlr) pour l’unique raison que c’est économiquement impossible. »
Aujourd’hui chez Macel six ouvriers travaillent dans l’atelier de Saint-Marcellin-en-Forez (42), et ils réalisent environ 250 selles sous la houlette de Patrick Fesquet. Ce dernier entend renouer d’ici 2020, autant dire demain, avec le volume de production d’il y a vingt ans, l’âge d’or de Macel. 2018 et en somme une année qui compte double. Elle est celle des cinquante ans, et en même temps celle d’une nouvelle offensive sur le marché, avec pour nom de code Rafale Contact. Cette dernière-née de Macel est une déclinaison de la Rafale, sa devancière, modèle phare de la maison dans les années 90.
Et la Derby ? Née en 1970, elle symbolise un modèle emblématique de la marque. Pour bien des cavaliers, la Derby les ramène à d’impérissables souvenirs équestres. Cette selle de cross, mais plus seulement, matérialise un certain passé sans être dépassée, puisqu’elle est encore au catalogue. La maison nous a confié sa version S (cf. Questions à Patrick Fesquet, p.69). Pas question ici de confronter la Rafale Contact et la Derby S, car si elles répondent toutes les deux à une même philosophie, elles ont en revanche chacune une identité bien distincte. Alors pour quel cavalier et quel type d’équitation sont-elles faites ? C’est tout l’enjeu de ce test effectué sur le plat et à l’obstacle, qui vous permettra de répondre à cette question : Macel, est-ce bien ma selle ?

 

NOS EXPERTS :

Brice POZZOLI, cavalier de CSO, ancien membre de l’équipe de France, est également enseignant (BEES 1). Sa carrière débute en 1986, il est aujourd’hui encore l’un des rares cavaliers français à avoir remporté un CSIO, le premier de sa carrière internationale. Installé à Attilly (77), Brice Pozzoli est formateur d’élèves en BPJEPS.
Stéphane DELANOUE, ancien cavalier professionnel de complet puis de CSO, se forme au commerce international et représente, de 1998 à 2006, la sellerie Butet. Il rejoint Antarès, autour de son nouveau casque, puis fonde en 2008 la société Selle Expert. Sa connaissance approfondie de la sellerie européenne fait aujourd’hui autorité.

LA RAFALE CONTACT

  • Selle Obstacle / 4 200 €
  • Principaux matériaux : cuir et peaux de veau, doublé veau, bois et acier (arçon), mousse de polyuréthane (panneaux)
  • Taille : 16,5″ au 18″
  • Couleurs : fauve, brun foncé, acajou, noir.

DÉCRYPTAGE STATIQUE

Stéphane Delanoue : C’est une très belle selle remarquablement fabriquée. Il lui est impossible de renier son appartenance à la marque. De loin, par ses lignes très effilées, on sait tout de suite que c’est une Macel. Ce qu’il y a peut-être de changé (par rapport à la Rafale, créée dans les années 90, ndlr), et c’est en bien, c’est l’arcade, et aussi la pointe de l’arçon qui semble moins anguleuse qu’auparavant.
Je remarque aussi que Patrick Fesquet réalise ici un panneau intégré ce qui n’était pas dans les habitudes de Macel. Je ne sais pas ce qui le justifie compte tenu qu’il a le souci constant de vouloir rapprocher le cavalier du cheval, est-ce pour qu’il le soit davantage encore ?
Pour le test, on dispose d’une 17,5″ avec beaucoup d’avance de quartier.
La Rafale Contact n’invite pas à se mettre en tension sur le siège, mais par le fait de basculer ses épaules dans le sens de la marche on doit y avoir un assis/équilibre très facile.

  

LE MORPHOTYPE DU CAVALIER 

Stéphane Delanoue : La Rafale Contact convient parfaitement à un gabarit plutôt petit ou longiligne avec un bassin étroit, je songe donc aux femmes mais aussi aux enfants et aux ados. Or ces morphologies souvent subissent les surépaisseurs à l’avant de la selle qui, du coup, les font trop reculer (dans le siège, ndlr) jusqu’à perdre leur équilibre. Donc c’est un modèle idéal pour qui veut monter dans le sens de la marche en s’avançant dans sa selle, et non en cherchant à s’y installer. À contrario, le cavalier qui a un certain gabarit a plutôt envie, lui, de se reculer.

ANALYSE EN DYNAMIQUE

Stéphane Delanoue : C’est un siège 17,5″ et pourtant lorsque Brice s’y assoit, il y a beaucoup de plat de siège derrière lui. Pourquoi ne prend-il pas plus de place ? D’une part parce que le modèle confié a beaucoup d’avance de quartier, or, peut-être qu’en en ayant moins, il utiliserait davantage le siège. Brice fait partie de ces cavaliers qui vont dans l’avance (de quartier, ndlr) lorsque la selle ne les porte pas assez, or se laisser porter par sa selle c’est ce qui lui permet de gagner en fluidité. La Rafale Contact par sa finesse ne le porte pas assez, donc il s’avance. Sur un cheval ayant une bonne tension du dos, là elle convient très bien, car cette tension, dont on a envie de se rapprocher, donne de la force à cette selle. En revanche avec un cheval au dos creux c’est moyen, pour les mêmes raisons biomécaniques.

Brice Pozzoli : Sur le plat je la trouve agréable parce qu’il y a une bonne largeur de siège. J’ai un aussi bon contact avec le cheval. Je trouve cependant que je suis assis très en avant, vers le pommeau, et ma jambe elle aussi s’avance un tout petit peu trop. La même avec moins d’avance (de quartier, ndlr) ce serait extra, et il me faudrait plus de force derrière (au troussequin, ndlr), être plus porté par la selle, mais j’ai compris que ce n’en est pas l’esprit. En plus ce cheval a de bonnes épaules, de bons propulseurs, mais un dos qui ne me porte pas. Sur les sauts je me détends et recule dans la selle, je parviens donc à m’asseoir sur une partie du siège qui me porte un peu plus, et mon fonctionnement est fluide, c’est ce que cette selle me propose. Je me sens calé, d’autant qu’il n’y a pas de surépaisseur inutile.

 

 

LE SAVIEZ-VOUS ?

« Pas bien dans une selle, pas bien dans les quartiers. » Cela signifie que si on est bien dans le siège d’une selle, on peut songer à en améliorer le confort en modifiant la taille de ses quartiers, mais l’inverse est impossible. En effet le changement de quartiers est sans effet au niveau du siège. La base c’est la forme de l’arçon, c’est elle qui détermine la façon de s’installer.

 

LA DERBY S

  • Selle mono quartier / 4 500 €
  • Principaux matériaux : cuir et peau de veau, doublé veau, bois et acier (arçon), mousse de polyuréthane (panneaux)
  • Taille : 16,5″ au 18″
  • Couleurs : fauve, brun foncé, acajou, noir

DÉCRYPTAGE STATIQUE

Stéphane Delanoue : Ce modèle monoquartier, par ses lignes, nous inspire beaucoup de finesse, d’élégance, mais sans énormément de force, ce qui est inhérent au close contact. L’assise est peut-être différente, mais pas la tension du siège. Nous allons voir avec Brice comment cela se traduit dans le mouvement. Le sanglage est différent de celui de la Derby d’origine, laquelle disposait d’une sursangle comme les selles de polo. J’ai l’impression que l’arçon de chez Aulton & Butler est, en tête d’arcade, un peu plus ouvert qu’auparavant et les couteaux d’étrivières me paraissent avoir reculé.
Les matières premières sont très belles, (les cuirs durs proviennent de chez Gal et les peaux de chez Has, ndlr), le travail d’une qualité irréprochable. Patrick Fesquet a supprimé le petit quartier, ce qui pour moi techniquement ne modifie rien, mais apporte un esthétisme différent. Peut-être que d’enlever ici de la surépaisseur (celle des petits quartiers, ndlr), peut donner à certains cavaliers la sensation d’être plus près de leur cheval. Mais être près, c’est être bien installé et indépendant, des sensations que peuvent aussi procurer des selles qui ont conservé cette surépaisseur. Le siège, lui, est dans la pure tradition Macel, très effilé, avec beaucoup de plat. La Derby a des mamelles (partie située sous le siège à l’aplomb des ischions, ndlr) très fines. Elle est dans la famille des selles plates plus que semi-creuses. Les matelassures sont en mousses injectées.
J’observe que l’avant des panneaux s’est élargi, ce n’est peut-être pas nouveau, mais cela l’est pour moi qui n’ai pas examiné le dessous d’une Macel depuis longtemps. L’intérêt d’avoir donné ici de la largeur au panneau redonne un peu de force (d’épaisseur, ndlr) à l’avant. Le milieu des panneaux reste, lui, très fin. L’enfourchure est étroite, c’est là toute la la philosophie de Macel, que le cavalier s’enfourche pour se rapprocher (du cheval, ndlr).
Cette Derby en 17,5″ a moins d’avance de quartier que la Rafale Contact.

  

LE MORPHOTYPE DU CAVALIER

Stéphane Delanoue :  » La Derby convient exactement au même morphotype décrit pour la Rafale Contact. Ce sont deux modèles distincts mais qui ont dans leur ADN, de favoriser, voire sublimer, une monte en avant. La Derby n’échappe pas au phénomène physique propre à toutes les mono quartier : inviter le cavalier à s’avancer dans la selle.  »

ANALYSE EN DYNAMIQUE 

Stéphane Delanoue :  » Sur le plat, c’est flagrant, ces quartiers plus courts placent Brice davantage sur la partie arrière du siège, il est plus porté. Là, Brice est parfaitement dans l’esprit de cette selle qui n’est pas conçue pour être chaussée court avec un buste vertical, mais au contraire être vissée dedans et avancer. Tout Macel est là ! On ne peut pas aller contre cette selle, on ne peut qu’aller avec. » Après quelques passages sur le vertical, Stéphane Delanoue demande à Brice Pozzoli de venir sur la barre en équilibre jusqu’au bout. Le cavalier s’exécute… « Voilà ce que je voulais démontrer, c’est que cette Derby est faite pour être montée dans le sens de la marche, la musique des battues a changé, l’équilibre du cheval aussi, le tout en mieux bien entendu. Brice intervient moins, son cheval passe devant lui parce qu’il s’est équilibré avec. Avec la Rafale Contact nous aurions observé la même chose.  »

Brice Pozzoli :  » Je ne note pas de changement radical quoique, avec les cuisses, je me sens un peu plus fort, devant. Il y a plus de tenue, d’épaisseur, même si c’est une monoquartier. C’est pour une monte en avant un point c’est tout. Quand on a intégré qu’elles ne sont pas faites pour que l’on s’y installe, l’une et l’autre sont de super selles. En venant sur le vertical en équilibre, Amadéos, sans forcer, passait mieux sont arrière-main sur les derniers passages.  »

 

QUESTIONS À…  PATRICK FESQUET, DIRIGEANT DE MACEL SELLERIE :

À PROPOS DE LA RAFALE CONTACT 

Cheval Pratique : Pourquoi n’y a-t-il pas de renfort de bas de quartier sur la selle doublée veau ?
Patrick Fesquet : Nous n’en mettons pas, car j’estime que cela crée trop de surépaisseurs au niveau du bas de jambe, et celui-ci est moins tenu. Mais si le client le souhaite, nous lui mettons ce renfort de bas de quartier. S’agissant de notre clientèle professionnelle, ce sont des selles que nous leur changeons tous les ans, et ce renfort nous le mettons systématiquement au moment de la revente du modèle comme occasion.
La proposez-vous aussi en cuir grainé ?
P.F. : Oui, et dans les quatre couleurs que nous proposons. La Derby, non, car elle est automatiquement doublée veau, éventuellement seul son bas de quartier peut être grainé.
Pourquoi opter pour un panneau intégré sur une selle dont les panneaux sont déjà très fins ? 
P.F. : Parce que c’est encore mieux aux dires des cavaliers, lesquels, c’est certain, étaient déjà bien au contact auparavant, mais là c’est le summum. Avec ce montage, la jambe est au plus près au niveau du faux-quartier. On gagne environ 7 mm, et pour un cavalier exigeant techniquement, c’est énorme.

À PROPOS DE LA DERBY S

Se démarque-t-elle esthétiquement de la Derby d’origine ? 
P.F. : Tout à fait, ne serait-ce que par la suppression des petits-quartiers, mais aussi le sanglot qui passe dessous, alors qu’avant celui-ci passait par-dessus la sangle, sur le quartier. Nous proposons toujours cette Derby, mais nous avons plus de demandes pour la S, dont le look plait davantage.
Que signifie ce S ? 
P.F. : C’est S comme « spéciale » tout simplement. C’est le nom d’une innovation technique créée en 2012, qui privilégie un contact proche du cheval et une grande précision d’action. Pratiquement tous nos modèles peuvent être réalisés selon l’innovation S.
L’emplacement des couteaux a bien été modifié ? 
P.F. : Oui, et c’est justement une caractéristique des modèles S. Sur les arçons Aulton, c’est moi qui procède à cette modification en les plaçant où je veux, en l’occurrence plus ou moins en arrière, selon le souhait du cavalier.
Pourquoi est-elle plus chère que la Rafale Contact ? 
P.F. : Cette différence est due à la technique de montage. Sur une selle classique, le petit quartier est monté avec la peau de siège seule, alors que pour le montage d’un modèle S, la peau de siège est solidarisée avec les quartiers, ce qui requiert de monter toute la selle en une seule opération. Cette technique est beaucoup plus compliquée, notamment au niveau de la couture du siège, car il y a une bonne épaisseur de cuir à gérer.

 

Référence : Texte : HERCY, Christophe. Photos : SÉGARD, Thierry. TEST ÉQUIPEMENT DU CHEVAL : MACEL, ENTRE TRADITION ET MODERNITÉ. Cheval Pratique, 2018, septembre, n° 342, p.64 à 69.